Chambre de la Maison des Provinces de France, Cité Universitaire internationale de Paris

La Cité U : une ambition architecturale et culturelle unique

Et si une chambre d’étudiant devenait un espace de vie où le design rencontre le confort ? C’est le pari audacieux qu’a relevé la Cité internationale universitaire de Paris dans les années 1930.
Imaginée après la Première Guerre mondiale pour encourager les échanges culturels et intellectuels entre les étudiants du monde entier, cette cité-jardin de 34 hectares a vu le jour grâce à des architectes, décorateurs et ensembliers parmi les plus talentueux de l’époque.

La Cité universitaire se compose de diverses maisons, chacune représentant un pays ou une région.
Parmi elles, la Maison des Provinces de France, inaugurée en 1932, et le Collège Franco-Britannique, ouvert en 1937, se distinguent par leur architecture et leur aménagement intérieur. Ces résidences avaient une vocation claire : offrir un logement fonctionnel et accueillant, mais également incarner le prestige et le rayonnement de la France. Dans ce contexte, le design intérieur n’était pas un simple détail : il était au cœur du projet.

Vue aérienne de la Cité internationale universitaire de Paris, Roger HENRARD, 1951, Paris musées/Musée Carnavalet.


Des concours pour sélectionner les maîtres du design

Pour meubler ces résidences, des concours sont organisés. Les exigences sont strictes : les propositions doivent être à la fois économiques (3 300 francs maximum par chambre), robustes, pratiques et esthétiques. Le mobilier devait aussi éviter toute uniformité pour refléter l’idée d’une chambre personnalisée, propice à la concentration et au repos.

Parmi les lauréats, on retrouve des figures majeures de l’Art déco :

  • Jacques-Émile Ruhlmann, célèbre pour son raffinement et sa rigueur dans les détails.
  • Maurice et Léon Jallot, réputés pour leur travail élégant et fonctionnel en bois.
  • Eugène Printz, spécialiste des lignes sobres et modernes.
  • Jean Perzel, maître verrier et créateur de luminaires d’exception.

Leurs créations proposées pour les chambres de la Cité Universitaire reflètent une esthétique Art déco, alliant simplicité, fonctionnalité et élégance.

Un mobilier pensé par les grands noms du design

Chaque maison avait son identité propre, reflétée dans son mobilier. À la Maison des Provinces de France, Maurice et Léon Jallot ont imaginé un ensemble harmonieux en chêne teinté et ciré, comprenant des lits, bureaux et bibliothèques. Au Collège Franco-Britannique, ils ont opté pour du sycomore et du merisier, créant des espaces à la fois pratiques et raffinés.

Le mobilier de ces chambres, signé par les plus grands noms, était bien plus qu’un simple équipement. Il traduisait les idéaux d’une époque où le design était au service de la fonctionnalité, tout en valorisant l’excellence artisanale française.

Des chambres où le design Art déco se mêle au quotidien

Les chambres, d’une superficie de 14 m² en moyenne, étaient conçues pour répondre à tous les besoins des étudiants. On y trouvait un bureau, un lit-divan, une bibliothèque et un meuble de rangement. Les lignes épurées et les matériaux nobles conféraient une ambiance apaisante et chaleureuse.

Un soin particulier était apporté aux détails, comme le choix des papiers peints. À la Maison des Provinces de France, les murs étaient habillés de motifs signés Jacques-Émile Ruhlmann, avec sept variations différentes pour éviter l’uniformité. Ce mélange de simplicité et d’élégance faisait de chaque chambre un espace unique.

Mais au-delà du mobilier et des revêtements muraux, c’est aussi l’éclairage qui jouait un rôle clé dans l’atmosphère de ces espaces.
Une lumière bien pensée pouvait transformer une chambre, lui apporter chaleur et, surtout, praticité. C’est là qu’intervient Jean Perzel, maître de l’éclairage Art déco, dont les créations illuminaient les bureaux des étudiants.

La lampe n°509 bis de Jean Perzel : une lumière pratique & intemporelle

Jean Perzel, si soucieux du confort visuel, fut rapidement sollicité pour différents projets de la Cité Universitaire. Parmi eux : la Fondation Argentine inaugurée en 1928, la Fondation des États-Unis en 1930, la Maison des Provinces de France en 1933, ou encore le Collège Franco-Britannique et la Fondation de Monaco en 1937. À chaque étape, il réalisa des luminaires pensés pour répondre aux besoins des étudiants et des espaces collectifs.

Quelles étaient ses priorités ? L’intensité modulable et le faisceau dirigé. En 1928, il crée la lampe n°144 à volets déployants. Puis, un an plus tard, il conçoit la célèbre lampe n°509 bis, emblème de son ingéniosité.

Croquis 509 bis, 1935, Jean Perzel
Croquis de Jean Perzel © Archives nationales

Fabriquée en métal et verre opalin, la lampe n°509 bis est équipée d’un cache pivotant en bronze. Ce détail ingénieux permet d’orienter la lumière selon les besoins : éclairage direct pour étudier, lumière tamisée pour se détendre. Cette conception novatrice offre un confort visuel optimal, essentiel pour les étudiants de la Cité Universitaire.

Plébiscitée dès sa création, la lampe n°509 bis fut déclinée dans diverses finitions métalliques pour s’adapter à tous les goûts. Son succès ? Une élégance discrète associée à une fonctionnalité sans faille.

Encore aujourd’hui, l’Atelier Jean Perzel perpétue la production de cette pièce emblématique. Icône de l’Art déco, elle séduit toujours amateurs de design et collectionneurs. Fonctionnelle, élégante, intemporelle… cette lampe continue d’illuminer les intérieurs et de rappeler le génie visionnaire de Jean Perzel.

Un patrimoine préservé

Aujourd’hui, le mobilier d’origine de ces chambres est en grande partie conservé au musée des Années 30 de Boulogne-Billancourt. Toutefois, quatre chambres historiques de la Maison des Provinces de France ont été restaurées avec leur aménagement de 1933. Ces espaces témoignent de l’héritage exceptionnel de la Cité universitaire.
Le patrimoine de la Cité Universitaire, qu’il soit architectural, paysager ou artistique est d’ailleurs ouvert aux visites guidées. Ils proposent même un centre du patrimoine vous invitant à découvrir l’histoire et l’actualité de la Cité internationale.

Une source d’inspiration pour les designers d’aujourd’hui

Vous l’aurez compris, la Cité internationale universitaire n’est pas seulement un lieu d’hébergement pour les étudiants. En plus d’être un campus « Cité-Monde », elle incarne encore une époque où l’humanisme, l’innovation, le design et l’artisanat convergeaient pour créer des espaces de vie uniques.

Grâce à des visionnaires comme Jean Perzel, Ruhlmann, et les Jallot, ces chambres sont devenues des modèles intemporels d’élégance fonctionnelle.
La lampe n°509 bis, toujours fabriquée à ce jour, est l’exemple parfait de cette pérennité, rappelant que l’Art déco reste une source d’inspiration inépuisable pour les amateurs de design.